maginez
le monde sans armes à feu" pouvait-on lire sur un auto-collant
pour voitures qui a commencé à circuler après le meurtre de l'ex-Beatle
John Lennon, le 18 décembre 1980. L'année dernière, sa veuve, Yoko Ono,
a continué dans cette voie en annonçant qu'elle allait devenir porte-parole
pour Handgun Control, Inc. (qui a, par la suite, troqué son nom pour
la Brady Campaign to Prevent Gun Violence, après s'être appelée
le National Council to Control Handguns).
Faisons donc un
gros effort pour imaginer à quoi ressemblerait un tel monde. Ce n'est
pas difficile. Mais on vous aura prévenus : c'est pas beau à voir.
Pour avoir un monde
sans armes, nous disent les groupements prohibitionnistes, il faut
voter des lois qui les interdisent. Nous pouvons commencer par imaginer
l'adoption de lois prohibant la possession d'armes à feu par tout autre
que l'État.
Il est peu probable
que des textes locaux suffisent. Prenez, par exemple, la loi Sullivan de
1911 de New-York, qui imposait dans cette ville un système d'enregistrement
des armes de poing excessivement restrictif. Dans les dernières décennies,
les abus de l'administration on fait devenir le statut d'enregistrement
une prohibition, sauf pour ceux, qui à force d'opiniâtreté, ont réussi
à se frayer un chemin à travers un système délibérément obstructionniste.
Les lois affectent
principalement ceux qui acceptent de s'y soumettre. Et là où il y a un
besoin non satisfait et de l'argent à gagner il y a généralement
un moyen de contourner la loi. Bienvenue sur le marché noir, toujours plus
florissant grâce à des restrictions et autres prohibitions en constante
augmentation. Dans des spots de publicité diffusés à la télévision
en août dernier, Mike Bloomberg, le candidat républicain (enfin, si on
veut) à la mairie de New-York a informé les électeurs qu'"en 1993,
il y avait jusqu'à 2 millions d'armes illégales dans la rue." Il
insinuait que toutes ces armes étaient dans les mains de criminels et
que par conséquent leur confiscation rendrait la ville plus sûre. Ce
que n'a jamais expliqué Bloomberg, c'est comment il comptait arrêter le
marché noir.
Imaginons donc
plutôt une interdiction des armes à feu à l'échelon national, voire mondial.
Remarquez,
l'héroïne et la cocaïne sont illégales aux États-Unis, et dans la
plupart des autres pays, depuis presque un siècle. Des moyens phénoménaux
sont déployés afin d'en éradiquer la production, la vente et l'usage,
et de nombreux innocents ont été sacrifiés dans les feux croisés de la
"guerre de la drogue." Malgré cela, l'héroïne et la cocaïne
sont toujours facilement disponibles dans les rues de quasiment toutes
les grandes villes américaines et à des prix inférieurs aujourd'hui à
ceux des décennies passées.
Il se peut qu'une
loi de prohibition globale ne soit pas suffisante. Peut-être que l'imposition
de la peine la plus sévère possible en réponse à une violation d'une telle
loi lui donne un vrai pouvoir : réclusion à perpétuité pour la
possession d'une arme ou même d'une simple balle. (Nous n'envisagerons
pas la peine de mort vu que la bande de Yoko ne l'apprécie pas.)
En y repensant,
la loi jamaïcaine sur les armes de 1974 qui prévoyait justement une
telle sanction n'a même pas suffi. Le 18 août 2001, le Jamaïcain Melville
Cooke observait
qu'aujourd'hui, "les seuls [dans ce pays] à ne pas posséder d'armes
illégales sont ceux qui n'en veulent pas." La criminalité violente
en Jamaïque a atteint un niveau
plus élevé que jamais, gangsters et policiers au coup de feu facile
commettant impunément des homicides, seuls les gens qui respectent la loi
sont désarmés.
Et pourtant, le
gouvernement jamaïcain cherche à globaliser sa politique défaillante.
En juillet 2001, le ministre jamaïcain de l'Éducation, de la Jeunesse et
de la Culture, Burchell Whiteman, a demandé lors de la Conférence sur
le Désarmement de l'O.N.U. la "mise en place de mesures visant
à limiter la production d'armes à des niveaux compatibles avec les
besoins propres à la défense et à la sécurité de l'État."
Et aussi longtemps
que les États seront autorisés à avoir des armes, il y aura des usines
d'armement où les voleurs pourront se servir. Quelques-unes d'entre-elles
pourraient être protégées contre le vol, notamment de ses propres
employés, par des mesures de sécurité appropriées. Mais dans un monde
comptant à peu près 200 nations, la plupart sous l'empire
de kleptocraties, il est grotesque d'imaginer que certaines de
ces usines "d'État" ne fourniront pas le marché noir, que
des militaires et des policiers corrompus pourraient également alimenter.
Nous devrions
revoir notre stratégie. Plutôt que de souhaiter des lois (qui ne peuvent
pas, même en rêve, aboutir à un monde sans armes), soyons plus
ambitieux et imaginons la disparition de toutes les armes. Même celles
en possession des agents de l'État. Fermons aussi toutes les usines d'armement.
Ceci devrait faire fermer le marché noir.
Abracadabra !
Voici la paix !
Retour à la case départ
Et pourtant... ce n'est pas très difficile de fabriquer une arme à feu
fonctionnelle. Comme le fait remarquer J. David Truby dans son livre
Zips, Pipes, and Pens: Arsenal of Improvised Weapons, "
De nos jours, tous les mécanismes [d'armes à feu] improvisés et/ou
modifiés sont à la portée de n'importe qui pas spécialement doué pour
la mécanique n'ayant pas accès aux armes par d'autres moyens."
Dans son article
"Fabriquer
des armes : une industrie familiale," Charles Chandler a observé que les
Américains "ont la réputation de hobbyistes passionnés et de
bricoleurs construisant tout et n'importe quoi, depuis des maquettes de
bateaux jusqu'à des aménagements de la maison." Le seul domaine dans
lequel ils ne sont pas très actifs est celui de la fabrication d'armes à
feu. Et d'après Chandler, c'est uniquement parce que "des armes bien
conçues et bien faites sont couramment disponibles dans le commerce."
Une interdiction
complète des armes, ou un système d'enregistrement tellement restrictif
qu'il en reviendrait au même, conduirait réellement la fabrication d'armes
à devenir une "industrie familiale".
C'est déjà ce qui
se passe en Grande Bretagne, une conséquence de l'interdiction totale
faite aux civils de posséder des armes de poing, imposée par le Firearms Act
de 1997. Aujourd'hui, les Britanniques sont non seulement inondés d'armes
importées illégalement, mais des fabriques d'armes de fortune ont poussé
comme des champignons pour faire concurrence.
La police britannique
en connaît déjà quelques-unes. Les officiers du Scotland Yard's Metropolitan
Police Serious Crime Group South ont récemment récupéré 12 répliques
d'armes de poing qui avaient été converties
en armes fonctionnelles. Un atelier de mécanique auto londonien servait
de façade à l'originale manufacture d'armes illégales. La police a même
découvert de ces armuriers plein d'initiative ayant transformé des tournevis
en armes à feu ou en ayant produit sous
l'apparence de banals porte-clés.
Bref, fermer l'usine
Winchester Repeating Arms ainsi que toutes les autres
ne signera pas l'arrêt de mort du commerce des armes à feu.
Considérez simplement
le cas de Bougainville, la plus grande des îles Salomon, dans le Pacifique
Sud. Pendant 10 ans, Bougainville a été le théâtre d'un soulèvement
sécessionniste sanglant contre la domination de l'État de Papouasie
Nouvelle Guinée, aidé et soutenu par l'Australie. Ce conflit a été le
plus long affrontement que le Pacifique ait connu depuis la fin de la
seconde guerre mondiale et a causé la mort de 15 à 20.000 insulaires.
Pendant les
hostilités, où l'île a subi un blocus militaire, l'un des objectifs
consistait à priver la Bougainville Revolutionary Army
(BRA) de sa source d'approvisionnement en armes. La tactique a
échoué : le BRA a tout simplement appris à fabriquer ses propres
armes à partir de matériel et de munitions abandonnés lors de la guerre.
En fait, à la
Conférence des Nations Unies sur le Désarmement de la Zone Asiatique
du Pacifique, qui s'est tenue au printemps 2001, on a très tranquillement
admis que la BRA, dans les dix ans qui ont suivi sa création, était
parvenue à lancer la production d'une copie du fusil automatique M16
ainsi que de diverses mitrailleuses. (Ce qui amène à se poser des questions
quant aux intentions réelles derrière la Conférence de l'O.N.U. sur le
Commerce Illicite des Armes Légères et de Petit Calibre dans tous ses Aspects,
qui a suivi plusieurs mois après : les dirigeants de l'O.N.U. ne peuvent
pas être cinglés au point de ne pas reconnaître les implications sur le
désarmement mondial du succès de la Bougainville Revolutionary Army.)
Si cette île de
Bougainville toute simple arrive à fabriquer ses propres armes, depuis
longtemps, les Îles des Philippines ont une industrie familiale florissante
pour ce qui est de fabriquer des armes malgré des lois très strictes
imposées par la dictature Marcos et quelques autres régimes.
On dirait qu'il va nous
falloir revoir notre petit délire une fois de plus.
Bon. Par décision de Kopel,
Gallant, et Eisen, non seulement toutes les armes à feu jusqu'à
la dernière disparaissent instantanément, mais qu'il n'y aura aucune
refabrication.
Cette dernière
partie est un peu délicate. Les ateliers de mécanique auto, les
hobbyistes, les révolutionnaires quiconque ayant un minimum
d'aptitudes en usinage peuvent faire une arme à partir de quelque
chose. Ce qui nous ramène au cas de l'interdiction de la drogue.
Avec des lois anti-drogue de base se révélant inapplicables, d'autres
ont été ajoutées, prohibant la possession d'objets dont l'utilisation
permet de fabriquer des stupéfiants. Même faire des achats suspects
dans un magasin de jardinage peut vous valoir une visite avec "entrée
dynamique" du groupe d'intervention local.
Il y a tellement
d'outils qu'on peut utiliser pour faire des armes ou transformer en
armes, que des lois proscrivant la possession de matériel d'armurerie
devraient ratisser encore plus large que celles concernant les drogues.
En fait, il faudrait contrôler soigneusement chaque étape possible dans
la fabrication d'une arme. C'est à dire enregistrer toutes les machines-outils,
et instituer un permis fédéral (semblable à celui des pharmaciens) pour les
plombiers, les mécaniciens auto et tous ces bricoleurs équipés de tournevis.
Et on devrait aussi frapper un numéro de série sur les tuyaux (des canons
en puissance) présents dans chaque salle de bains et chaque voiture
et partout ailleurs où on en trouve pour ensuite ranger tous ces
numéros dans un registre fédéral.
Aujourd'hui, les
lobbies anti-armes qui déclarent ne pas vouloir interdire toutes les
armes persistent à prétendre que l'enregistrement de chaque arme et
de chaque détenteur est essentiel pour éviter que des armes ne tombent
entre de mauvaises mains. S'il en est ainsi, on peut difficilement
contester que l'établissement de permis et d'enregistrement sur le
matériel d'armurerie ne serait pas essentiel pour prévenir une production
illicite d'armes.
Ainsi, nous
devrions contrôler chaque phase du processus de fabrication. Cela
s'ajouterait à une proposition déjà très coûteuse et très complexe. Même
un taux de 1% de non-conformité à la "Loi de Contrôle sur les
Pré-requis en Armement" laisserait un stock énorme d'équipement
disponible pour la fabrication d'armes au marché noir.
Afin d'être
totalement en accord avec la législation, on peut difficilement imaginer
laisser en place la plupart de nos droits constitutionnels. On croit
rêver quand on considère le genre de textes régissant les saisies et
confiscations qu'il faudrait adopter pour s'assurer que les gens
ne possèdent pas des tubes métalliques ou des tournevis non enregistrés !
Par exemple,
simplement pour pouvoir appliquer une interdiction sur les armes
véritables (pas uniquement ce qui permet d'en obtenir), l'État jamaïcain
devait éliminer de nombreux textes encadrant les enquêtes policières
et d'autres garantissant des procès équitables. Pour empêcher
totalement que prenne un marché noir sur les éléments nécessaires
à la création d'armes, nous devrions mettre à sac la Constitution.
Enfin, comme le répète sans cesse le lobby anti-armes, si cela doit
sauver ne serait-ce qu'une vie, alors cela vaudrait le coup.
Seulement, et
si, malgré ces mesures extrêmes, le marché noir fonctionnait encore
comme c'est presque toujours le cas quand la demande est suffisante ?
Il est temps de
revoir sérieusement notre stratégie pour un monde sans armes. Peut-être
y a-t-il un raccourci pour passer outre tout ceci.
Allez. Cette fois,
on va vous proposer quelque chose de vraiment radical, tous les coups
sont permis. Faisons faire à la science un prodigieux bond en avant et
partons là où l'homme n'est jamais allé. Certains pourront se gausser
de notre idée mais elle peut réussir là où tout le reste a échoué.
Nous, Kopel,
Gallant, et Eisen, imaginons par la présente que, désormais, les lois
de la combustion chimique sont abolies. Nous imaginons par la présente
que la poudre et tous composés similaires n'ont plus la capacité
de brûler en dégageant les gaz nécessaires à la propulsion d'une balle.
C'est
la Paix
Ça y est, pour la première fois, un monde sans armes est vraiment à portée
de mains et il est temps de se pencher sur les agissements de l'homme.
Pour ce faire, il nous suffit de regarder dans quel monde vivaient nos
ancêtres.
Dire que régnait la
violence avant l'apparition de la poudre serait un doux euphémisme.
Les voyages sur terre, en particulier sur des longues distances,
étaient pleins de danger en raison des assassins, voleurs et autres
criminels. La plupart des femmes étaient impuissantes face au viol
à moins d'autoriser un accès sexuel illimité à un mâle en échange
d'une protection contre ses autres congénères.
À cette époque,
les armes reposaient sur la force musculaire que les avancées en armement
ont principalement eu pour effet d'augmenter. Plus on est fort, plus
on a de chances de l'emporter dans un combat rapproché avec une
arme tranchante comme une épée ou un couteau, ou à distance avec
un arc ou un javelot (qui demandent tous deux des bras solides).
La remarquable aptitude de telles armes blanches "démodées"
à provoquer des carnages chez des innocents a été tragiquement
démontrée lorsque huit élèves de cours élémentaire ont été tués à
coups de couteau le 8 juin 2001 par Mamoru Takuma, un ex-employé
scolaire, à Osaka, ville du Japon, pays sans armes à feu.
Quant il s'agit
de force musculaire, les
hommes jeunes sont généralement vainqueurs en face de femmes,
d'enfants et de personnes âgées. Dans l'Europe féodale qui ne connaissait
pas les armes à feu, les guerriers dominaient la société et les hommes faibles
devaient en général se résigner à mener
une vie de labeur et de soumission en échange d'une place derrière les
remparts du château lorsque le ciel s'assombrissait.
Et les femmes ?
Selon la coutume du droit de cuissage, un seigneur avait le droit
de coucher avec l'épouse d'un serf pour sa nuit de noces pour
le serf, un prix qu'il fallait payer en échange d'une promesse
de sécurité (cela ne vous dit rien ?). Il était courant que
cet arrangement perdure au-delà de la nuit de noces, le seigneur
ayant tout pouvoir de prendre n'importe quelle femme, n'importe quand.
Que le droit de cuissage soit en vigueur ou non dans une région,
en dehors de sa conscience, peu de choses étaient susceptibles d'empêcher
un homme riche et puissant de faire ce qu'il voulait des femmes qui
n'étaient pas sous la protection d'un autre.
Mais il reste
un problème avec le fait d'imaginer l'éradication de la poudre : on
se débarrasse des armes à feu, mais pas du moyen d'envoyer des balles.
Avec l'avènement
de la sarbacane il y a quelques 40.000 ans, l'homme a découvert
l'efficacité d'un tube à concentrer la force de l'air et à diriger
un projectile, rendant finalement l'apparition des armes à air inéluctable.
Par conséquent, poudre ou pas poudre, tout ce que nous avons fait jusqu'ici
se résume à ergoter quant aux moyens d'expédier quelque chose depuis un tuyau.
Les armes à air
remontent aux environs du début du 17ème siècle. Et nous ne parlons pas là
d'armes comme la petite Daisy Red Ryder à billes qui contient une boussole
dans la crosse et qui faisait tant envie au Ralphie du classique de Jean
Shepherd porté à l'écran en 1983 A
Christmas Story ("Non, Ralphie, tu ne peux pas avoir une
carabine à plombs tu vas te crever un oeil !").
Non, il s'agit ici
de choses pouvant réellement tuer. Le genre d'armes se passant de poudre
et capables de transmettre à un projectile de 210 grammes une énergie
initiale de 1.500 Joules. À comparer avec les 680 Joules d'une munition
ordinaire de .357 Magnum ! On peut communiquer aux projectiles de bien
plus grandes quantités d'énergie par le recours à des gaz comme l'azote
ou l'hélium, qui engendrent de plus fortes pressions que l'air.
Avant l'apparition
d'armes tirant des cartouches qui contenaient leur propre charge de poudre,
on ne prenait pas les armes à air à la légère. En fait, il y a trois cent
ans, on trouvait parmi celles-ci les carabines de gros calibre les plus
puissantes et les plus précises. Bien que leurs plus gros défauts fussent
leur coût et la difficulté à les fabriquer, elles étaient assez fiables
et leur cadence de tir était plus élevée que celle des armes à feu
contemporaines. Pour leur expédition historique, Lewis et Clark avaient
emporté une arme
à air de calibre .31 qui leur a permis de chasser. [cf Robert D. Beeman, "Proceeding
On to the Lewis & Clark Airgun," Airgun Revue 6
(2000): 13-33.] Des armes à air ont même connu le service actif lors
d'opérations militaires il y a plus de 200 ans.
Aujourd'hui, il
existe des armes à air dans le style du M-16, tirant par rafales. Si la
technologie des armes à air n'a jamais été développée jusqu'au point
de leur permettre de tuer, c'est uniquement en raison d'un coût
plus important et d'une utilisation moins aisée par rapport aux armes
à feu.
D'autres systèmes
d'armes ne recourant pas à la poudre se sont également disputés
l'attention de l'homme. Le siècle le plus sanglant de l'histoire de
l'humanité a été le 20ème. Et alors que des armes à feu ont été utilisées
pour tuer (par
exemple, en disposant des mitrailleuses de façon à créer des lignes de
tirs croisées dans la guerre de tranchées du premier conflit mondial), elles
n'ont pas joué un rôle primordial. De loin, le
plus grand nombre de tueries délibérées a eu lieu pendant les génocides
et les démocides perpétrés par les États contre des populations désarmées.
Les instruments de mort allaient du gaz Zyklon B aux machettes en passant
par la privation de nourriture.
Imaginez l'absence de griffes
Imaginer un monde sans armes à feu revient à imaginer un monde dans
lequel le fort domine le faible, les femmes sont à la merci des hommes
et les minorités facilement maltraitées ou décimées par le plus grand
nombre. D'un point de vue pratique, une arme à feu est la seule arme
qui permette à une personne faible de se défendre contre un groupe
d'agresseurs plus important et plus fort, et ce, à distance. Comme l'a
observé
George Orwell, une arme telle qu'un fusil "donne des griffes au faible."
Le défaut d'imagination
chez les gens qui aspirent à un monde sans armes provient de leur
supposition naïve que se débarrasser des griffes fera disparaître
le désir de dominer et de tuer. Ils n'arrivent pas à admettre le fait
indéniable que lorsque les faibles seront privés de leurs griffes (armes
à feu), les forts auront accès à d'autres armes, notamment leur seule
force musculaire. Un monde sans armes serait bien plus dangereux pour
les femmes et bien plus sûr pour les brutes et les tyrans.
La seule société
dans l'histoire ayant réussi à abandonner les armes à feu est le Japon
du 17ème siècle, comme l'a détaillé Noel Perrin dans son superbe ouvrage
Giving Up the Gun: Japan's Reversion to the Sword 1543-1879.
Étant une île isolée sous une dictature totalitaire, le Japon a pu se
défaire des armes à feu. L'historien Stephen Turnbull en résume les
conséquences :
Les ressources de
Hidéyoshi [le dictateur] étaient telles que l'édit a été appliqué à la
lettre. La mobilité sociale croissante des paysans est, du coup,
repartie en sens inverse. Les ikki, les moines-guerriers,
devinrent des images du passé . . Hidéyoshi avait privé les
paysans de leurs armes. Iéyasu [le souverain suivant] commença
alors à les priver du respect de soi. Si l'un d'eux offensait
un samouraï, il pouvait se faire abattre d'un coup de sabre sur
place. [The
Samurai: A Military History (New York: Macmillan, 1977).]
Le statut
inférieur de la paysannerie établi par le désarmement civil, le
samouraï jouissait du kiri-sute gomen, permission de tuer en
toute impunité. Tout membre de la classe inférieure manquant de respect
pouvait être exécuté par le sabre d'un samouraï.
Les lois de
désarmement
japonaises ont permis de façonner la culture de soumission à
l'autorité, ce qui a facilité la domination du Japon par une
dictature militaire impérialiste dans les années 30, et plongé le
pays dans une désastreuse guerre mondiale.
Finalement, le
seul pays à avoir créé une société réellement sans armes à feu en
a engendré une où les classes se trouvent cruellement opprimées,
dans laquelle les puissants des classes supérieures pourraient tuer
impunément les personnes des classes inférieures. Quand un gouvernement
raciste, militariste et impérialiste a pris le pouvoir, il n'y a eu
aucun moyen efficace de lui résister. Le Japon débarrassé des armes
à feu s'est mué en l'exact opposé de cette utopie douce et égalitaire
chantée par John Lennon dans "Imagine."
Au lieu d'imaginer
un monde dépourvu d'une technologie spécifique, pourquoi ne pas en
imaginer un dans lequel le coeur de l'homme évolue tranquillement et où
les gens se comportent entre eux correctement ? C'est une des
aspirations des principales religions. Bien que beaucoup de chemin
reste à parcourir il ne fait aucun doute que des centaines de millions
d'existences on été améliorées parce que des gens en sont venus à croire
aux enseignements de ces religions.
Si un monde réellement
pacifique est envisageable ou, même si ce n'est pas le cas, qu'il
vaille le coup de se battre pour y arriver il n 'y a rien à gagner
de la futile tentative d'élimination des armes à feu. Changer le coeur des
hommes, l'un après l'autre, peut apporter des résultats bien plus tangibles.
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